La relance du waqf
Le waqf est une institution islamique unique, qui a joué un rôle extrêmement important dans la société civile musulmane dans le passé, bien qu’il soit actuellement marginalisé. Selon la jurisprudence musulmane, n’importe qui peut léguer une propriété, son usufruit et les revenus qui en découlent pour des projets spécifiques de protection sociale.
Les Awqaf (pluriel de waqf) ont été mis en place et encouragés par le Prophète Mohammed (Prières et bénédiction sur lui) comme une forme de «charité éternelle » (Sadaqa Jariya). Les personnes qui ont beaucoup de ressources ont la responsabilité de rechercher ceux qui ont moins de chance qu’eux et de leur donner cet excédent (sous forme de prêt ou de cadeau) d’une manière qui ne porte pas atteinte à leur estime de soi. L’idée de tirer profit des besoins des pauvres répugne à l’esprit de l’islam.
En revanche, la poursuite irrationnelle de la richesse en elle-même, (esprit du capitalisme), a conduit certains économistes à donner une telle primauté à la création d’argent que même aider les pauvres est vu comme un moyen d’atteindre l’objectif de faire plus. argent.
Traditionnellement, les musulmans riches ont mis en place des awqaf, qui sont fortement encouragés et considérés comme l’un des meilleurs moyens d’utiliser l’argent excédentaire. Étant donné que l’actif (généralement un terrain) ne s’épuise pas, les revenus qui en découlent peuvent théoriquement être utilisés pour toujours à des fins caritatives ; ceci est considéré comme une manière d’exceller dans la compétition pour les bonnes actions qui est le but de la vie.
Le waqf forme une partie substantielle et significative de l’économie et joue un rôle important dans toutes les dimensions de la société civile.

On estime qu’environ un tiers des terres de l’Empire ottoman (période expansive du waqf) était consacré à de telles fiducies. La contribution du waqf à la mise en forme de l’espace urbain ne peut guère être surestimé. Une grande partie de l’environnement public des villes musulmanes est en fait née des dotations. Alors qu’il y avait une très grande variété de fins caritatives pour lesquelles des millions d’awqaf ont été utilisés, les cinq principales catégories étaient la nourriture, le logement, la santé, l’éducation et la religion. Les gouvernements Ottomans ne se considéraient pas comme responsables du bien-être social car les awqaf prenaient suffisamment en charge ces besoins de la population.
Ainsi, ces institutions constituaient une alternative islamique historique au modèle « d’État providence » européen pour subvenir aux besoins des gens.
Le waqf en islam présentait deux avantages distincts :
- Les awqaf étaient basés et gérés localement. Ils disposaient de beaucoup plus d’informations locales que les systèmes gérés par l’État et pouvaient donc fonctionner plus efficacement.
- L’exigence de la religion musulmane selon laquelle les institutions sociales doivent inculquer un sens des responsabilités, renforcer les liens sociaux et accroître la conscience sociale a également été remplie par ce système.
Le waqf a réussi pendant des siècles à redistribuer la richesse, conduisant à des résultats équitables et à la circulation de la richesse conformément aux injonctions coraniques. Par ailleurs, il fournissait des revenus indépendants à de nombreuses personnes et institutions. Il a renforcé la société.
Tout au long de l’histoire, les États ont tenté de limiter ce pouvoir et réglementer les awqaf de diverses manières, mais en vain.
Les femmes ont doté ou géré un nombre important d’Awqaf et ont eu un impact significatif sur la société civile. L’égalité d’accès à l’éducation via le waqf et le respect général de l’apprentissage dans les sociétés musulmanes ont conduit à la représentation de toutes les classes sociales au sein de leurs élites intellectuelle.
Le Waqf a une base juridique solide, et il existe une énorme littérature sur ses différents types et les règles concernant leur fonctionnement, la permission d’utiliser différents types de propriété pour le waqf et les débats entre les différentes écoles de droit islamique sur ses aspects majeurs et mineurs. Une fois installé, un waqf ne peut pas être facilement dissout. En outre, le but initial du créateur du waqf ne peut pas être facilement changé. En raison de ces règles, certains ont soutenu qu’une cause importante du déclin islamique était que de nombreux awqaf étaient enfermés dans des usages qui devenaient dysfonctionnels au fil du temps. En fait, il existe un dynamisme et une flexibilité considérables dans la loi islamique, et des adaptations créatives à des situations changeantes peuvent être documentées dans différents domaines, Au contraire, il est clair que la société musulmane dans son ensemble s’est ossifiée et ne s’est pas adaptée à ces situations changeantes dans de nombreuses dimensions différentes.
Il semble probable que le dysfonctionnement croissant du waqf a découlé du déclin général des musulmans plutôt qu’une cause.
En raison de leur base solide dans la jurisprudence musulmane, les awqaf ont pu résister aux efforts de nombreux gouvernements pour limiter leur influence. Cependant, les pouvoirs colonisateurs n’étaient pas limités par la loi islamique. La saisie des propriétés waqf a eu lieu à grande échelle non seulement en raison de leur richesse, mais aussi parce que leurs ressources organisationnelles et matérielles permettaient souvent aux awqaf d’agir comme des points focaux de résistance à la colonisation.
Il y a aujourd’hui un large accord parmi les musulmans sur la nécessité de relancer l’institution du waqf et de lui donner l’importance centrale qu’il avait dans le passé. Les discussions sur la manière d’ajouter de la flexibilité aux lois du waqf, de relancer l’institution et de l’adapter aux conditions modernes abondent dans la littérature économique islamique. De nombreuses conférences traitant de tous les aspects des questions en jeu ont eu lieu de nos jours en abordant plus particulièrement la manière de revitaliser cette importante institution islamique et d’identifier les anciens et les nouveaux modes de financement appropriés.