Les awqaf à Damas à la fin du XII siècle à travers les voyages d’Ibn Gubayr
Par Alejandro GARCÍA SANJUÀN – Université de Huelva (Espagne)
BULLETIN D’ÉTUDES ORIENTALES – TOME LVI – ANNÉES 2004 – 2005
INTRODUCTION
Par leur large diffusion, leur extension et leur continuité notable, les biens awqaf (sing. waqf) ou ahbàs (sing. hubs[1]), constituent une des institutions socio-économiques du monde musulman classique les plus significatives. Par les différentes fonctions qu’ils jouaient et les objectifs qu’ils poursuivaient, les awqaf représentèrent historiquement un facteur de stabilité et de cohésion dans les sociétés musulmanes, ce qui, selon le principe islamique de la charité, permit d’atténuer les inégalités sociales et contribua au développement éducatif et culturel, ainsi qu’au soutien matériel, des hommes de religion, c’est-à-dire les fuqaha, les oulémas et les soufís, qui ont été parmi les plus grands bénéficiaires de ce type de biens[2].

Islam medieval
Néanmoins, malgré l’importance historique et sociale de l’institution pendant l’époque classique de l’islam, surtout dans les siècles médiévaux, les études concernant son développement ne sont pas abondantes, même si, ces derniers temps, on constate un accroissement considérable de l’intérêt porté à ce sujet. Les seules monographies de caractère général publiées jusqu’ici sur l’époque médiévale concernent l’Égypte à l’âge des mamelouks[3] et al-Andalus[4]. On doit y ajouter de nombreux travaux partiels se référant à différentes régions et moments de l’histoire de l’islam[5] .
Les sources documentaires dont nous disposons pour l’étude de ce type de legs sont diverses et abondantes dans l’ensemble du monde islamique. Elles vont des traditions prophétiques, puisque l’origine de l’institution est attribuée au Prophète Mohamed (prières et bénédiction sur lui), jusqu’aux actes notariaux de fondation propres aux legs appelés en Orient waqfiyyàt, en passant par la large diversité des œuvres juridiques qu’il s’agisse d’actes notariaux, de copies de fatwa-s, de traites de hisba, etc. On doit aussi ajouter les sources narratives traditionnelles comme les chroniques, les descriptions de géographes ou dictionnaires bio-bibliographiques.

Carte Voyage Ibn Gubayr
Je centrerai l’étude des awqaf à Damas sur les informations rapportées par une source narrative bien connue : la relation de voyages (rihla) de l’andalou Ibn Gubayr (540-614 H/1145-1217), plusieurs fois éditée depuis le XIXe siècle[6] et traduite en italien, en français, en anglais et, plus récemment, en espagnol[7]. Ibn Gubayr laissa par écrit la description des lieux qu’il visita pendant son périple en Orient à la fin du XIIe siècle, autant en Égypte et dans la péninsule Arabique que dans les pays du Sham, Syrie et Palestine[8].
Tout au long de son récit, Ibn Gubayr témoigne de l’importance des awqaf dans la région du Masriq et, surtout, à Damas, ville qu’il visita à l’époque du sultan Salàh al-Dln Abü-I-Muzaffar Yüsuf b. Ayyüb, appelé en Occident Saladin. Comme cela est bien connu, Saladin a largement développé l’activité des fondations pieuses, en rapport direct avec ses intérêts politiques. II a été le champion de l’orthodoxie sunnite face à la dynastie des Fatimides qu’il a chassé du pouvoir au Caire en 567 H/l 171. Dans son entreprise pour éradiquer le chiisme, il s’est servi des awqaf poux gagner de la popularité et, surtout, pour avoir le soutien de l’ensemble des hommes de religion qui devaient être les agents sociaux de ce processus de restauration de l’orthodoxie islamique[9].
L’ouvrage d’Ibn Gubayr est l’une des sources narratives qui reflète le mieux la présence, très abondante, des legs pieux à Damas, grâce, entre autres facteurs, a la forte impulsion donnée à cette institution par le fondateur de la dynastie ayyubide comme par son prédécesseur, le sultan zankide Nür ai-Din (m. 569 H/l 174), qui consacra l’unité de la Syrie en établissant sa résidence en 549 H/l 154 dans sa capitale. Les références parsèment les commentaires et descriptions qu’Ibn Gubayr écrit au fil de ses visites dans les principales villes de la région syrienne, bien que la plupart des mentions des awqaf se rapportent à Damas et à ses alentours.
La première allusion aux awqaf dans le récit d’Ibn Gubayr se réfère au premier pays visité, l’Égypte, plus particulièrement à la ville d’Alexandrie où il fait mention des donations faites par Saladin dans divers buts. Ici, il parle des madrasas et maharis établies où les personnes bonnes et pieuses qui venaient de régions lointaines pouvaient disposer de logements et avaient la possibilité d’apprendre l’art qu’elles souhaitaient. De même, Saladin avait établi, pour les étudiants étrangers, des bains et un hôpital (maristan) où ils pouvaient être soignés de divers maux. Le même sultan avait décrété la donation de fondations pieuses en faveur des voyageurs d’origine occidentale (li-abna al-sabll min al-magàriba), c’est-à-dire autant les Maghrébins que les Andalous, de telle façon qu’avec ses rentes on pourvoyait à l’attribution de deux pains par personne et par jour, le tout atteignant parfois deux mille pains et même plus[10].

La Médersa Al-Mustansiriyyah Bagdad
On ne retrouve la mention des awqaf qu’à son arrivé à Bagdad, où il nous parle des biens destinés aux madrasas qu’il chiffre à plus de trente, toutes situées dans la partie orientale de la ville. Ces biens servaient à entretenir les fuqaha qui se consacraient à l’enseignement autant qu’au soutien de ceux qui résidaient et étudiaient dans ces institutions[11] :
« II y a environ trente madrasas, qui sont toutes dans la Charqiya et il n’en est aucune à quoi ne le cède en beauté un palais magnifique. La plus considérable et la plus célèbre est la Nizamiya qui fut construite par Nizam al-Mulk et restaurée en l’année 504 (1110). Ces madrasas jouissent de fondations considérables et d’immeubles « habousés » pour l’entretien des fuqaha’ qui y enseignent ; elles fournissent aussi aux étudiants de quoi subsistent Les madrasa et les hôpitaux ont acquis à cette ville un grand honneur et une gloire durable. »
Après ces deux mentions ponctuelles pendant ses visites d’Alexandrie et de Bagdad, le reste des informations concernant les donations pieuses dans le récit d’Ibn Gubayr se réfère spécifiquement à Damas, ville où il réside pendant plus de deux mois de l’année 580 H/l 184, du jeudi 24 rabí’ I (5 juillet) jusqu’au jeudi 5 Joumada (13 septembre)[12], ce qui lui permit de connaître de manière personnelle, profonde et directe ses lieux et ses gens. Cela se manifeste dans sa narration, puisque c’est, peut-être, la partie où son récit se fait le plus minutieux et détaillé en précision des informations, avec la mise en relief, principalement, de la description très étendue de la mosquée des Omeyyades, à laquelle il consacre une large place.
Toute la description de la ville, surtout de la grande mosquée et de ses environs remplis de lieux de culte en lien avec des figures bibliques préislamiques, est parsemée d’allusions à l’abondance des awqaf destinés à maintenir les oratoires ainsi que les différents services cultuels et religieux qui s’y déroulaient. D’autre part, il est certain qu’Ibn Gubayr ne mentionne pas dans son récit toutes les institutions et œuvres de bienfaisance qui, au même moment, à Damas, comptaient comme donations pieuses et dont il devait avoir connaissance, et trop abondantes pour être mentionnées en détail, d’après ce qu’il affirme à propos d’un de ces biens, établi pour les pauvres :
« Il serait trop long de signaler les institutions de bienfaisance en vue de l’autre monde, dont Dieu a pourvu les étrangers de ce pays »[13]). Néanmoins, l’ensemble des informations qu’il apporte est suffisant pour nous donner une idée générale de ces biens et de la variété des finalités et services auxquels ils satisfaisaient. »
Pour systématiser de façon cohérente les références d’Ibn Gubayr aux awqaf de la capitale syrienne, j’ai établi une triple division en fonction de leur destination, séparant ceux attachés à la mosquée des Omeyyades de ceux établis en faveur des soufís et, en troisième lieu, de ceux qui appartenaient aux nombreux lieux de culte existant aux alentours de la ville.
En dehors de ces trois domaines, le seul cas qui reste est celui des legs destinés aux orphelins d’une grande école (mahdara kabira). Grâce à eux, on pourvoyait au maintien du maître ainsi qu’à celui des étudiants et même à leurs vêtements[14] .
LES AWQAF DE LA MOSQUÉE DES OMEYYADES

La Mosquée des Omeyyades à Damas en Syrie (705-715)
Ibn Gubayr consacre le début de sa description à la mosquée des Omeyyades de Damas, une des plus anciennes de l’islam, pour laquelle, à plusieurs reprises, il cite des legs pieux. Il a souligné la richesse de la mosquée en disant que le montant du trésor, gardé dans un des trois « pavillons à coupoles » (qibdb) de la cour la plus grande, située dans la partie occidentale, s’élevait à huit mille dinars syriens, équivalent à quinze mille dinars almohades[15] .
Ceci fait supposer évidemment, que la mosquée damascène disposait d’un large et riche ensemble de propriétés, tant sous forme de terres que d’immeubles urbains, comme il est manifesté dans certaines de ses affirmations, par exemple lorsque, sans nommer directement les donations pieuses, il constate l’existence à la mosquée de revenus dont bénéficiaient les professeurs et les étudiants qui y travaillaient[16].
Dans la mosquée, il y a des cercles pour l’enseignement des étudiants. Les professeurs reçoivent de larges appointements. Les Malékites ont une zawiya pour l’enseignement dans la partie ouest, et les étudiants de l’Occident s’y réunissent. Ils jouissent d’une allocation fixe. Les avantages que cette mosquée vénérable procurent aux étrangers sont nombreux et considérables. »
Sans doute, son objectif n’a jamais été d’épuiser le sujet et de faire un relevé exhaustif des awqaf de la mosquée. II a donc seulement souligné, dans sa narration, ceux qui ont attiré son attention par quelques particularités ou qui lui ont semblé dignes d’être mentionnées pour un motif particulier, par exemple, comme nous allons le voir, la présence d’hommes de religion andalous liés à des fondations pieuses. En effet, Ibn Gubayr montre à plusieurs reprises son souci de souligner l’importance des musulmans maghrébins et, surtout, des fuqahà’ malékites, dans l’organisation cultuelle d’un des points de repère du monde islamique, la mosquée des Omeyyades de Damas. Étant donné que l’uniformité juridique autour de l’école malékite constitue la spécificité la plus remarquable de l’islam andalou[17] , l’insistance d’Ibn Gubayr sur l’importance du rôle des malékites maghrébins à Damas peut être interprétée comme l’expression de l’identité andalouse dans les cercles intellectuels orientaux.
Étant donné sa richesse à ce moment précis, même si on ne peut pas la mesurer avec précision, Ibn Gubayr, comme on vient de dire, va faire mention de ce qu’il trouve frappant ou attise sa curiosité. Ainsi, la première indication concernant les fondations pieuses de la mosquée se réfère à ce que l’on pourrait appeler « le waqf de la colonne », qu’il trouve curieux (wa-agrab mà yuhaddatu bi-hi) voulant souligner, en plus, la présence, parmi ses bénéficiaires, d’un compatriote, le faqih de Séville al-Muràdi. Ce waqf était destiné à ceux qui enseignaient à côté d’une des colonnes situées entre les deux maqsura-s, l’ancienne et la nouvelle[18] . Ils en bénéficiaient ainsi que leurs propres étudiants[19] :
Le fait le plus extraordinaire qui soit rapporté, c’est qu’à l’une des colonnes qui se dressent entre les deux maqfoura, l’ancienne et la nouvelle, est attaché un waqf particulier dont peut jouir quiconque s’y accote pour rappeler le nom d’Allah et pour enseigner. Nous y trouvâmes un juriste originaire de Séville et appelé al-Moradi. Quand est close l’assemblée du matin pour la récitation d’un septième du Coran, chacun de ceux qui y ont pris part s’adosse à une colonne et devant lui s’assied un jeune garçon auquel il enseigne à psalmodier le Coran. Ces jeunes garçons reçoivent, eux aussi, une subvention fixe pour leur récitation. Les pères qui ont de l’aisance y font renoncer leurs fils, mais tous les autres la touchent. C’est là l’un des titres de gloire de ce pays. »

La porte de la Grande Mosquée des Omeyyades de Damas
Plus loin, dans une autre partie du récit, Ibn Gubayr mentionne les donations pieuses faites par Nür al-Dín en faveur des musulmans occidentaux (li-l-magariba al-gurabà) qui s’occupaient de la zawiya[20] malékite de la grande mosquée. L’auteur même a souligné, préalablement, l’existence de plusieurs dépendances de ce type, où les étudiants se retiraient pour copier des livres, étudier ou s’isoler de la foule[21].
En faisant allusion à cette zawiya malékite, dominée par ses compatriotes maghrébins et andalous, son récit se fait plus détailler et, ainsi, il nous précise lesdits biens donnés en sa faveur, composés par des immeubles urbains et ruraux : deux moulins, sept jardins potagers (basatin), des terres de culture (ard baydà’), un bain et deux magasins dans la rue des parfumeurs. De nouveau, on trouve la mention d’un waqf associé à la présence d’un compatriote. En effet, il dit avoir été informé sur ce sujet par l’un des Maghrébins qui se chargeaient de superviser la gestion des biens cités (ahbaranl ahadal-magàriba alladbi kànüyanzurüna fi-hi). Selon son informateur, Abü-l-Hasan ‘AIí b.Sardàl al-Gayyàni, dont la nisba réfère à la ville andalouse de Gayyàn (Jaén), le waqf maghrébin en question pouvait arriver à produire, s’il était bien administré, 500 dinars par an. De même, Nür al-Dín, en personne, installa, en faveur des dits Maghrébins, des maisons pour qu’elles fussent habitées par des lecteurs du Coran (qurrà). II ne laisse pas passer l’occasion de souligner la sollicitude manifestée par le sultan Zankide envers les Maghrébins malékites (wa-kàna la-hu bi-gànibi-him fadl kablr)[22] .
La mention de ces awqaf donnée en faveur des musulmans d’Occident est mise à profit par Ibn Gubayr pour faire un discours sur les bontés et les bénéfices que trouvent les étrangers {jurabà’) qui s’installent dans cette région. De plus, il fait une certaine comparaison avec la situation dans l’Occident musulman, et, de façon implicite et sans faire d’allusions directes, au cas de son pays d’origine, al-Andalus. En effet, notre voyageur fait une apologie pondérée des conditions matérielles favorables dont jouissent les hommes de religion à Damas, surtout, dit-il, ceux qui savent le Coran par cœur et ceux qui se consacrent à l’étude (hufjaz kitàb Allàh wa-l-muntamm li-l-talab). C’est pour cela qu’Ibn Gubayr encourage les musulmans occidentaux à déménager en Orient où, grâce à l’abondance des awqaf, ils pourront, sans avoir le souci de leur subsistance, se consacrer entièrement à l’étude et à la vie spirituelle[23]. Bien que le paragraphe soit long, il mérite d’être reproduit intégralement[24] .
Les avantages dont les étrangers jouissent en cette ville sont innombrables, particulièrement ceux qui sont réservés aux fidèles qui savent le Coran par cœur ou qui aspirent à l’apprendre. L’estime dont ils jouissent en cette ville est vraiment admirable ; sans doute, tous les pays d’Orient ont la même attitude à leur égard, mais l’attention qu’on leur porte en cette ville est plus grande et on les y honore plus largement.Toute personne originaire de notre Maghreb qui recherche la paix de l’âme, qu’il émigre en ce pays et qu’il s’y consacre à la recherche du savoir, il y trouvera maintes circonstances favorables : d’abord la fin de tout souci pour sa subsistance, ce qui est la plus grande des assistances et la plus essentielle. Si cette chose essentielle lui est assurée, il trouvera le chemin de l’effort intérieur. II n’y aura plus d’excuse pour qui y tardera, sauf s’il fait profession d’impuissance et de procrastination. Celui-là, notre discours ne s’adresse point à lui ; celui auquel nous nous adressons, c’est l’homme qui a la préoccupation de l’existence, pour lequel la nécessité de gagner sa vie met, dans son pays, une barrière entre lui et son désir d’acquérir le savoir ; pour celui-ci, l’Orient à la porte ouverte : « Entre par elle avec le salut. »[25] »
À côté de ces biens, Ibn Gubayr mentionne l’existence d’autres dons à la grande mosquée damascène et qui sont destinés aux récitants du Coran. À ce sujet, il cite deux groupes de donations pieuses. Le premier était lié à la cérémonie connue comme kautariyya qui tenait son nom de la sourate al-Kawtar (Coran, CVIII) et qui consistait dans la récitation du Livre Sacré depuis cette sourate et jusqu’à la fin du Coran. Elle se faisait après la prière du soir, ses bénéficiaires étaient ceux qui ne connaissaient pas le Coran par cœur et qui, pour cette raison, se limitaient à réciter sa partie finale où les versets, comme on le sait, sont plus courts. Lorsqu’il mentionne pour la première fois la kautariyya, il dit qu’il y avait plus de cinq cents personnes qui y vivaient grâce à ces legs pieux[26].
II y a grande assemblée chaque jour dans cette mosquée, à l’issue de la prière du matin, pour la lecture d’un septième du Coran ; et, de même, à l’issue de la prière du ‘asr pour la récitation dite kautariyya, où l’on recite depuis la sourate al-Kawthar jusqu’à la fin du Coran. Cette assemblée kawtharienne est fréquentée par des gens qui ne savent point compléter le Coran par cœur. Ceux qui y prennent part, touchent chaque jour, une rémunération, et plus de cinq cents personnes en vivent. C’est là l’une des magnificences de cette vénérable mosquée. Elle ne manque de récitants du Coran, ni le matin, ni le soir. »
Un peu plus loin, Ibn Gubayr parle une autre fois de la kautariyya pour nous expliquer son origine. II dit que la fondation de ce waqf était due à un homme riche qui demanda dans son testament d’être enterré à la mosquée et que les rentes produites qui devaient atteindre les cent cinquante dinars annuels bénéficieraient à ceux qui ne connaissaient pas le Coran par cœur et qui le réciteraient du verset mentionné jusqu’à la fin. Ils recevraient une rente de quarante dinars tous les trois mois, tout au long de l’année[27].
La kautariyya est aussi une cérémonie de la mosquée vénérable, et nous l’avons mentionnée ; elle consiste en une récitation quotidienne du Coran après le ‘asr ; elle a été instituée pour ceux qui ne savent point tout le Coran par cœur. En voici l’origine : un homme riche mourut en laissant, pour volontés dernières, de creuser sa tombe dans la mosquée et de constituer à celle-ci un waqf de cent soixante dinars annuellement, au profit de ceux qui, ne sachant pas tout le Coran par cœur, peuvent en réciter les sourates depuis la kautariyya jusqu’à la fin ; il leur est donc distribué quarante dinars tous les trois mois. »
Ensuite, Ibn Gubayr fait allusion à un autre waqf destiné aux récitants du Coran dont l’origine est attribuée à un ancien roi qui fit savoir dans son testament qu’il voulait être enterré à la qibla, dans un lieu non visible. II évoque certains awqaf qui produisaient près de quatre cents dinars de rentes annuelles à partager entre les récitants du septième du Coran, après la prière du matin. Ces récitants se tenaient dans la partie orientale de la maqsura des Compagnons du Prophète, lieu où, d’après ce que l‘on disait, était enterré le fondateur de ce waqf[28]:
On raconte aussi que ce fut un des souverains de l’ancien temps qui mourut en recommandant que sa tombe fut placée à la qibla de la mosquée vénérable en un endroit où elle ne serait pas visible, et il constitua un waqf considérable, s’élevant annuellement à quatorze cents dinars au moins, en faveur de ceux qui réciteraient chaque jour un septième du Coran, à l’issue de la prière du matin, dans la partie est de la maqsoura des Compagnons ; on dit que c’est en cet endroit que se trouve le tombeau dont il s’agit. La récitation de ce septième ne doit avoir lieu qu’en cet endroit qui touche au mur de la qibla et s’étend jusqu’au mur oriental. Dieu ne laissera point se perdre la récompense des bienfaiteurs. Dieu veuille en donner avantage à ceux qui les ont instituées ! Et rendez hommage à la cité où l’on est dirigé vers ces œuvres qui font gagner la faveur divine. »
Comme on le sait, dans tout le monde islamique classique, les mosquées, a part leurs habituelles fonctions cultuelles, effectuaient des actes d’assistance et de bienfaisance en faveur des pauvres et des mendiants qui, habituellement, vivaient dans les alentours immédiats pour demander l’aumône ou, même, venaient se réfugier dans les salles et les galeries. À ce sujet, Ibn Gubayr mentionne, mais sans entrer dans les détails, l’existence d’awqaf établis en faveur des indigents (fuqarà’) qui se tenaient dans la partie orientale de la mosquée et qui n’avaient pas de toit où se réfugier[29] .
En bref, Ibn Gubayr fait mention de l’existence de legs pieux à la mosquée des Omeyyades destinés à trois finalités concrètes : éducative, dont le waqf de la colonne et celui de la zàwiya des Malékites ; cultuelle, les deux destinés à des groupes de récitants coraniques (kautariyya et septième du Coran), et charitable, celle des pauvres. II s’agit donc de biens destinés à des buts différents, même si, en réalité, ces distinctions sont artificielles, car tous ces éléments se mélangent dans la conception islamique.
LES AWQAF DES SOUFIS
Le deuxième groupe de références sur les awqaf de Damas dans le récit d’Ibn Gubayr, se réfère aux dons faits aux soufis, qu’il nomme à maintes reprises. Préalablement, il commence par signaler l’abondance à Damas des établissements où ces pieux croyants déploient leurs activités, lieux nommés avec le terme d’origine persane hawaniq (sing. hanqah[30]) qu’un arabe d’Occident comme Ibn Gubayr assimile aux ribatat (sing. ribat[31]) existant en al-Andalus et au Maghreb. Dans le même paragraphe, il relève la situation favorable de soufis qu’il va jusqu’à qualifier de « rois de ce pays » (al-mulük bi-hSdihi-l-biiad), soulignant leur consécration complète à la vie spirituelle, ce qui, sans doute, était dû au soutien matériel engendré par les rentes des awqaf établis à leur profit[32].
Elle était aussi due à l’excellence de leurs rites et pratiques dévotes. Cette situation favorable obéissait à l’appui officiel accordé aux confréries et aux cénobites soufis de la part du pouvoir politique qui voulait gagner de la popularité et projeter une image de piété sur la population[33].
Parmi les établissements de la capitale damascène, Ibn Gubayr remarque, en premier lieu, celui connu comme le Palais (al-Qasr) fondé par Nür ai-Din comme waqf en faveur des soufis[34] :
« Ce que nous avons vu de plus considérable leur appartenant, c’est un lieu appelé le Palais : un vaste édifice montant dans le ciel ; à sa partie supérieure, il y a des appartements tels qu’on n’en vit point de plus élevés. II est à un demi-millier de la ville avec un grand jardin, qui y est attenant. C’était une habitation d’agrément de l’un des rois tures et I on raconte qu’il s’y délassait une nuit quand passa un groupe de Soufis ; on versa sur eux du nabid que l’on buvait alors dans le palais. Ils portèrent plainte devant Nour-ad-Din qui n’eut de cesse que le propriétaire lui fît don du palais qu’il constitua en waqf en faveur des Soufis, à titre perpétuel. L’admiration d’une bonté comme la sienne sera durable, et il restera une des marques éternelles de la générosité de Nour-ad-Din. »
La deuxième référence d’Ibn Gubayr sur les awaqf en faveur des soufis se rapporte à la hanqah existant dans la maison située au vestibule de la porte septentrionale de la grande mosquée, Bab al-Nafifiyyin, et connue comme maison de ‘Umar b. ‘Abd al-‘Aziz[35]. La fondation de cet établissement est en rapport avec la figure d’un riche étranger auquel il fait allusion comme « ragul min al-‘agam », c’est-à-dire un non-arabe[36] originaire de la ville de Samosate et, de ce fait, connu comme al-Sumaysatí. Ibn Gubayr s’étend sur l’histoire de cette fondation, très littéraire, que je résume ainsi. Ledit individu acheta la maison, la reconstruisit et la dota d’abondants awqaf en stipulant vouloir y être enterré et que, chaque vendredi soir recite le Coran entier sur son tombeau. De cette manière, ceux qui assistaient à cette récitation recevraient des legs pieux une livre (rífl) de pain blanc, qu’Ibn Gubayr assimila à trois livres maghrébins. Ceci eut pour conséquence le fait que chaque vendredi, le lieu se remplit de monde venu écouter la récitation coranique.
La majeure partie du récit est consacrée à raconter la provenance de la fortune du fondateur a l’origine de cette fondation pieuse. En une certaine circonstance, al-Sumaysàti rencontra un noir malade et abandonné près de la maison citée. Dès cet instant, il se consacra à le soigner Au bout de quelque temps, quand l’homme sentit qu’il mourrait, il voulut remercier son bienfaiteur pour les soins prodigues.
II l’informa que, par le passé, il avait été un fityàn[37] du calife abbasside al-Mu’tadid[38] , portant le nom de Zimàm al-Dàr. Grâce à cette position élevée, il était arrivé à accumuler une grande fortune et il révéla à son bienfaiteur qu’il gardait enterré un trésor dans son ancienne maison de Bagdad, en lui demandant de le prendre et de le consacrer à son profit et à des œuvres de bienfaisance. C’est ce que fît al-Sumaysàtí qui acheta la maison avec ce trésor et l’aménagea pour les soufis, en la dotant de terres et d’immeubles urbains et stipulant vouloir y être enterré dans les conditions ci-avant décrites[39] .
ORATOIRES ET LIEUX DE CULTE DES ALENTOURS DE DAMAS
À côté de la mention des awqaf liés à la grande mosquée et en faveur des soufis, íbn Gubayr fait de nombreuses allusions à ce type de biens au fil de sa description des nombreux oratoires et lieux de culte existant dans la ville et aux alentours, qu’il appelle masàhid (sing.mashad[40]). Ces masàhid apparaissent, presque toujours, liés aux figures bibliques, autant de l’Ancien Testament que du Nouveau Testament, lieux très fréquentés par les musulmans et dotés d’oratoires et de personnel chargé de son entretien et toujours soutenus grâce aux legs pieux. Parmi ces derniers, il faut remarquer ceux situés au mont Qàsyün, dans la capitale damascène, très connu par son caractère sacré et qu’Ibn Gubayr qualifie de « célèbre par sa bénédiction » (mashür bi-l-barakà)[41]. Le premier d’entre eux, dans la propre mosquée, est le monument de la tête de Saint-Jean Baptiste, laquelle, selon la tradition islamique, est enterrée dans sa nef méridionale, « devant l’angle de droite de la maqsoura des Compagnons[42]». II y a aussi le lieu de naissance d’Abraham, sur la pente du mont Qasyün, dans le village de Barza, situé à quelque distance au nord de Damas. Dans la même montagne, du côté ouest, il mentionne la présence de la « Caverne du sang » {Magàrat al-dam), appelée ainsi car, au-dessus d’elle, sur le sommet du mont, a eu lieu l’assassinat d’Abel par son frère Caïn. II signale la présence d’une autre grotte qui doit son nom à Adam et sur laquelle était érigée une construction. Et au-dessus d’elle, il y a une autre caverne accompagnée, elle aussi, d’un oratoire et appelée « de la faim » {Magàrat al-gü*) à cause de la mort, par la faim, de soixante-dix personnes. De même, sans indiquer sa situation, il mentionne un cimetière en dehors de la ville connu comme lieu de sépulture de plusieurs prophètes.
Pour terminer ce rapport des masahid, il signalé l’existence, pour chacun d’eux, de legs pieux à finalité déterminée (awqàf mu’ayyanà) consistant en potagers, terres de culture et immeubles « si bien que les waqf sont près d’absorber le pays entier » (hattà inna al-bilàd takàdu al-awqàftastagriq gami’ màfi-hd), ce qui constitue l’allusion la plus explicite à l’abondance des donations pieuses dans cette région. Par la suite, il insiste sur d’extraordinaire prolifération des awqaf dans la région de Damas, lies à d’autres institutions religieuses et éducatives et financés par les gouvernants du pays. II affirme[43].
Toute mosquée dont on entreprend la construction, toute madrasa ou tout couvent (khànaqah), reçoit du prince des waqf qui assurent leur entretien, celui de leurs habitants et des gens qui les administrent. Ce sont, là aussi, d’éternels titres d’honneur. Parmi les princesses qui possèdent des grands biens, il en est qui construisent une mosquée, un couvent ribaf, une madrasa, qui y font des dépenses considérables et qui, de leurs biens, y constituent des waqf. II en est aussi parmi les princes qui agissent de même. Sur ce chemin, riche en bénédictions, tous marchent avec un zèle qui trouvera sa récompense en Dieu Tout-Puissant. »
II revient sur l’abondante présence d’awqaf sur la dénommée colline bénie {al-rabwa al-mubàrakd) située au bout du Qasyún et à laquelle on fait allusion dans le Coran comme lieu de refuge de Jésus et sa mère, concrètement dans une petite grotte située au milieu de ladite colline. À côté de cette grotte se trouvait l’oratoire d’al-Khidr, prophète dont parle le Coran sans le nommer. Ibn Gubayr remarque l’affluence de personnes qui viennent faire la prière dans ces deux lieux et mentionne la présence là-bas d’un oratoire[44] . Un peu plus loin, et après avoir fait allusion à d’autres lieux de cuite situés dans la même région, et parmi eux le lieu de naissance d’Abraham, il affirme que la colline bénie disposait d’awqàf consistant en potagers, terres de cultures et immeubles. II indique, par la suite, de manière détaillée, l’utilisation des rentes de ces biens, destinés tant aux visiteurs qu’au personnel employé dans les fonctions cultuelles[45]:
À la colline bénie sont attachés des nombreux waqf, jardins, terres blanches et blocs de maisons, dont les revenus sont répartis entre divers services : tel est affecté à la dépense pour les aliments fournis aux visiteurs qui y passent la nuit; tel est réservé aux vêtements dont ceux-ci se couvrent pendant la nuit; tel est spécialement affecté à la nourriture, ce qui permet une répartition qui s’étend à toutes les subsistances, celle du conservateur amin qui y est appointé et qui est en même temps imam, et celle du muezzin attaché au service de ce lieu. Tous ont un salaire fixe par mois ; c’est la une institution des plus considérables. »
Juste après la mention des lieux pieux destines à la colline bénie, Ibn Gubayr fait un second développement où il insiste, comme auparavant, sur les bienfaits et les avantages qui s’offrent aux musulmans venant des terres d’Occident et décident de s’installer à Damas. II ne manque pas de moyens pour pourvoir à leurs besoins grâce à l’abondance des awqaf et à la possibilité d’occuper une fonction cultuelle comme imam de la mosquée résidant dans une madrasa, lecteur du Coran ou gardien d’un oratoire. II réitère la grande estime dont jouissent, en ces terres, les musulmans maghrébins auxquels, affirme-t-il, on fait grande confiance pour leur probité et leur caractère pieux, de telle manière qu’ils trouvent toujours quelque bénéfice procédant d’un waqf leur permettant de se consacrer à la prière et à la vie spirituelle sans avoir besoin de gagner leur pain quotidien en pratiquant un travail manuel et, donc, « sans faire couler sur son visage la sueur de la honte ». Voici le texte[46]:
Toute personne, parmi les étrangers, qui, sous une forme quelconque, fait profession de vertu et de science, si elle est isolée en ces régions, se voit attribuer des moyens d’existence : l’imamat d’une mosquée, ou bien le logement dans une madrasa où il sera pourvu a son entretien ; ou bien la libre disposition de Tune des cellules de la mosquée principale (de Damas), où il lui viendra de quoi subvenir a ses besoins ; ou bien la participation à la récitation d’un septième du Coran ; ou bien le poste de gardien de l’un des monuments riches en bénédictions, où il pourra habiter et recevoir sur les waqf de quoi assurer sa vie ; et d’autres moyens de subsister de ce genre pieux et béni, qu’il serait trop long d’énumérer. Ainsi, tout étranger dans le besoin, s’il est dans la voie du bien, est ici protège, garanti, et n’a point à faire couler sur son visage la sueur de la honte. Quant aux autres étrangers qui n’ont point cette qualité, mais qui ont l’usage d’un métier et du travail manuel, on leur procure aussi des moyens excellents de servir, par exemple, un jardin pour être gardien, un bain pour y aider au service ou pour veiller sur les vêtements des clients, un moulin, ou être préposé à la surveillance de jeunes garçons pour les conduire aux écoles et pour les en ramener chez eux, et bien d’autres occupations encore. Mais, dans aucune d’elles, on ne se confie comme aux étrangers maghrébins car ils jouissent, dans cette ville, d’une haute réputation d’honorabilité ; ils sont renommés pour cela, alors que les gens manquent de confiance en les habitants de la ville. C’est une marque de la bonté de Dieu envers les étrangers. Louange et reconnaissance soient à Lui pour ce qu’il accorde à Ses serviteurs. »
Après cet exposé sur les avantages que trouvent les hommes de religion qui s’installent à Damas, Ibn Gubayr revient au récit sur les lieux de cuite. Parmi les plus célèbres étaient les tombeaux de Set et Noé, situés dans la vallée de la Bekaa (al-Biqà’), à deux jours de distance de la ville. Le voyageur andalou avoue ne pas les avoir visiter personnellement, même s’il signale la présence de nombreux awqaf destinés à son entretien avec un administrateur (qayyim) chargé de son maintien en bon état[47]. II cite aussi celui connu sous le nom de mosquée des pas (masgid al-aqdàm), deux milles au sud de Damas, ainsi appelée en raison des neuf empreintes des pieds de Moïse imprimées dans les pierres du chemin qui y conduit[48].
Finalement, Ibn Gubayr mentionne la présence d’awqaf destinés à certains monuments et lieux de cuite propres aux chiites, qui, affirme-t-il, dans le pays, sont plus nombreux que les sunnites[49]:
De nombreux monuments sont consacrés à la famille du Prophète, aux gens de la maison, ‘ahí al-bayt, hommes et femmes, et les chutes ont pris grand soin d’y construire des édifices qui sont pourvus de vastes awqaf. »
Par sa condition de musulman sunnite, il ne montre pas la même proximité dans la description des awqaf ‘des chutes. Parmi ces monuments, il mentionne celui d’Ali b. Abi Talib, sans indiquer sa localisation, où il y avait une énorme pierre qui, selon les chutes, aurait été fendue en deux moitiés exactement égales par ‘Alí avec son sabré. Bien qu’il ne mentionne pas des awqaf dans sa description de ce monument, il le fait en parlant de la sépulture d’Umm Kultoum, fille d’Ali b. Abi Tàlib, appelée Zaynab la petite, lieu connu comme le tombeau de la dame Umm Kultoum (qabr al-sitt Umm Kultüm[50]) et situé à une parasange au sud de Damas, dans un village appelé Ràwiya[51].
CONCLUSION
Le récit d’Ibn Gubayr constitue un témoignage privilégié sur le développement de l’institution des awqaf à Damas à la fin du XII siècle. Sa condition de témoin direct lui permit de constater de visu l’abondance de ces biens, surtout ceux destines à la grande mosquée, aux soufis et aux sépulcres et oratoires rattachés aux nombreux lieux de cuite de la capitale syrienne, comme ceux situés sur le mont Qàsyün.
Les rentes générées par ces awqaf, consistant aussi bien en terres de culture qu’en immeubles urbains et provenant autant de donations réalisées par des bienfaiteurs prives, hommes riches, que des souverains Nür ai-Din et Saladin, servaient à satisfaire des buts de caractères divers, toujours en fonction des critères de piété et de charité proprement islamiques.
Parmi lesdites finalités, Ibn Gubayr évoqua, dans son récit, celles à caractère éducatif, charitable ou purement religieux, par exemple, pour les récitants de la grande mosquée. Les informations que fournit cet auteur ont, de plus, un intérêt supplémentaire étant donné son origine andalouse. L’insistance sur l’abondance de legs pieux à Damas et ses alentours semble suggérer que son auteur est impressionné par ce fait, au point que, dans certains passages, le récit incite les paysans maghrébins à émigrer vers les terres orientales avec la certitude qu’ils pourront y trouver une place et avoir la satisfaction de leurs besoins matériels, pour se consacrer entièrement à l’étude et aux pratiques rituelles. Ceci, implicitement, pourrait être considéré comme l’expression d’une certaine différence par rapport à la réalité qui lui était familière dans l’environnement qui était le sien en al-Andalus. Cependant, il est certain qu’Ibn Gubayr n’établit, à aucun moment du récit, une comparaison entre la situation des awqaf en al-Andalus et au Masreq, ce qui nous empêche de nous livrer à des considérations plus concrètes.
[1] Cette deuxième forme, plus habituellement utilisée dans les textes arabes andalous de toute sorte, est à l’origine un mot espagnol habiz (pl. habices), lequel apparait au XVe siècle, après la chute de Grenade en 1492, quand les conquérants chrétiens divisèrent les ahbas islamiques de la ville. Pour réaliser cette division, on écrivit des registres ou libros de habices.
[2] Pour une vision générale des awqaf voir EP, XI, p. 65-109 (plusieurs auteurs). La plus récente étude est celle d’A. Qadir, Wakf. Islamic Law of Charitable Trust, Delhi, Global Visión, 2004.
[3] M. Muhammad Amin, Al-Awqaf wa-l-hayat al-igtima’iyya fi Misr (647-293H/1250-I517), Le Caire, 1980. Le livre d’A. Sabra, Poverty and Charity in Medieval Islam. Mamluk Egypt, 1250-1517, Cambridge, 2000,’ inclut un chapitre sur le waqf, p. 69-100
[4] A. M. Cardalleira, Legados píos y fundaciones familiares en al-Andalus (siglos IV/X-VI/XII), Madrid, 2002. A. García Sanjuàn, Hasta que Dios herede la tierra. Los bienes habices en al-Andalus (siglosX-XV), Séville-Huelva1,2002
[5] Mise à jour des recherches dans M. Hoexter, « Waqf Studies in the Twentieth Century : the State of Art », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 41/1 (1998), p. 474-495
[6] Nous avons utilisé l’édition classique : W. Wrioht, The Travels oflbn Jubayr, editedfrom a ms. in the University Library ofLeyde. Second edition revised by M. J. De Goeje, Leyde-Londres, 1907.
[7] C. Schiaparelli, Viaggio in Ispagna, Sicilia, Rome, 1906 ; M. Gaudefroy-Demombynes, Ibn Jobair. Voyages, París, 1949-1965,4 vol., qui a utilisé un autre manuscrit, de l’université Qarawiyyin de Fes ; R. J. C. Broadiíurdst, The travels oflbn Jubayr, Londres, 1952 ; F. Maíllo, A través del Oriente. El siglo XII ante los ojos (rihla), Barcelone, 1988. Ajouter la nouvelle traduction française de P. Charles-Dominique, Voyageurs arabes. Ibn Fadlàn, Ibn Jubayr, Ibn Batfüfa, París, 1995. Dans ce travail nous donnerons seulement les références renvoyant à la première version française.
[8] Pour un aperçu de la vie d’Ibn Gubayr et de son récit de voyages, voir EP, III, p. 777- 778, version française (Ch. Pellat).
[9] Y. Frenkel, « Political and social aspects of Islamic religious endowments (awqàj): Saladin in Cairo (1169-73) and Jerusalem (1187-93) », Bulletin ofthe School of Oriental and Àfrica n Studies, 62/1 (1999), p. 1-20
[10] Ibn Óubayr, Rihla, 42 ; tracl. M. Gaudefroy-Demombynes, I, 42-43
[11] Ibn Gubayr, Rihla, 229 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, II, 262
[12] Ibn Gubayr, Rihla, 260 et 298 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 300 ct 348. Donc son séjour à Damas fut plus long que celui qu’il fit, par exemple, à Misr/Caire (moins d’un mois) ou à Bagdad (deux semaines). Voir Ibn Gubayr, Rihla, 44 et 57 (Misr/Caire); 217 et 230 (Bagdad) ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, 1,46 et 63 ; II, 247 et 263. C’était donc, le plus long séjour de tout son voyage sauf, bien sûr, La Mecque, où il séjourna huit mois et accomplit le pèlerinage
[13] Ibn Gubayr, Rihla, 291 : trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 339
[14] Ibn Gubayr, Rihla, 272-; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 314
[15] Ibn Gubayr, Rihla, 267; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 308
[16] Ibn Gubayr, Rihla, 272:; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 313-314
[17] Voir M. Fierro, « La política religiosa de 4Abd al-Rahman III (r. 300/912-350/961) », Al-Qantara, XXXV (2004), p. 137
[18] Ibn Gubayr, Rihla, 265 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 305-306. L’auteur raconte qu’il y avait là trois maqfüra-s, celle des Compagnons étant la plus ancienne et la plus importante
[19] Ibn Gubayr, Rihla, 272 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 314
[20] Terme plutót propre du monde islamique maghrébin. Voir EP, XI, p. 466-470, version anglaise (plusieurs auteurs)
[21] Ibn Gubayr, Rihla, 239
[22] Idn Gubayr, Rihla, 285 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 332
[23] En plus d’al-Muràdi et Abü-1-Hasan ‘A1I b. Sardàl al-Gayyàní, Ibn Gubayr, Rihla, 266 et 267 ; trad. Gaudefroy-Demombynes, III, 307 et 308, mentionne deux autres Andalous qu’il a trouvés à la mosquée damascène. Le faq’ih et ascète Abü ‘Abd Allah b. Sa’íd, originaire de Qal’at Yahsub (Alcalà la Real, Jaén), occupait une des cellules du minaret occidental, précisément celle qu’antérieurement avait occupé le célèbre al-Gazali. Ainsi, le faqih, ascète et traditionniste Abü Ga’far al-Fanaki al-Qurtubi, dirigeait la prière dans l’oratoire d’al-íCallàsa, annexe de la mosquée du côté septentrional.
[24] Ibn Gubayr, Rihla, 285-286 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 332
[25] Coran, XVII, 97
[26] Ibn Gubayr, Rihla, 271-272 ; tracl. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 313
[27] Ibn Gubayr, Rihla, 290-291 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 338
[28] Ibn Gubayr, Rihla, 291 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 338-339
[29] Ibn Gubayr, Rihla, 291 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 339
[30] Voir EP, IV, p. 1057-1058 (J. Chabbi).
[31] Voir EP, VIII, p. 510-523 (plusieurs auteurs)
[32] Ibn Gubayr, Jtiljla, 284 ; tracl. M. Gaudefroy -Demomoyniís III p 330-331
[33] Voir F. RodrIouez-Manas, « Encore sur la controverse entre soufis et juristes au Moyen âge critique des mecanismes de financement des confréries soufies », Aràbica, XLIII/3 (1996) p 406-421
[34] Ibn Gubayr, Rihla, 284-285 ; trad. M. Gaudefroy-Domombynes, III, 331
[35] Neuvième calife de la dynastie omeyyade, qui régna entre 717 et 720
[36] le mot agam est un terme collectif qui désigne les non arabes et a un sens équivalent à Barbare (voir Ef1 212 (F Gabrielli)
[37] Les fityàn (sing. fata) sont des esclaves, de provenance toujours étrangère, qui occupaient divers postes dans l’administration du palais du gouvernement du calife islamique. Voir EP, II, p. 856
[38] Abü-1-‘ Abbàs Ahmad al-Mu’tadid bi-llah, dix-neuvième calife abbasside, régna entre 892 et 902, ce qui permet d’affirmer qu’à l’époque d’Ibn Gubayr, la bànqah était déjà très ancienne.
[39] Ibn Óubayr, Ritila, 289-290 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 336-338
[40] Voir EP, VI, p. 702 (C. E. Bosworth). Récemment, C. Jalabert, « Comment Damas est devenue une métropole islamique », Bulletin d’Études Orientales, LIII-LIV (2002),.p. 13-42. L’auteur a étudié le processus de formation des sanctuaires sunnites damascènes
[41] Voir EP, IV, p. 753 (N. Élisséeff).
[42] Ibn Óubayr, Rihla, 273 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 315
[43] Ibn Gubayr, Rihla, 275 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 318
[44] Ibn Gubayr, Rihla, 275-276 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 318.
[45] Ibn Gubayr, Rihla, 277 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 320
[46] Ibn Gubayr, Rihla, 278 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 321
[47] Ibn Gubayr, Rihla, 281 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 326-327
[48] Ibn Gubayr, Rihla, 281-282 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 327-328
[49] Ibn Gubayr, Rihla, 279 ; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 323-324.
[50] Cette Zaynab, Umm Kulfüm, ne doit pas être confondue avec Zaynab b. Muhammad ni avec Umm Kultüm, fille du Prophète et de Khadíja
[51] Ibn Gubayr, Rihla, 279 et 280-281; trad. M. Gaudefroy-Demombynes, III, 324 et 325-326. La tombe de Zaynab, à 10 km au sud de Damas, constitue aujourd’hui l’un des sanctuaires chutes les plus renommés.